Quel est le rapport entre la Réforme et l'artichaut? Qu'ont dit Luther ou Zwingli sur le scarabée, le cheval ou les chiens? Vous trouverez des réponses à ces questions incongrues et à bien d'autres dans cet abécédaire décalé sur la Réforme du 16e siècle.
Ephémérides.
Quand Calvin naît, Luther et Zwingli ont 26 ans, Erasme 42. À la mort de Zwingli, Calvin a 22 ans, Luther 48 et Erasme 64. Nicolas de Flüe meurt alors qu'Erasme a 20 ans, Luther et Zwingli 3. Quand Christophe Colomb débarque dans les futures Amériques, Erasme a 25 ans, Luther et Zwingli 9.
Erasme.
Le prince des humanistes est un optimiste contrairement à son cadet allemand de 26 ans. Le premier considère que la sagesse humaine collabore au salut du monde mais Luther proclame que c’est une illusion. Pour le Bâlois né à Rotterdam, « la religion de Jésus n’est rien d’autre qu’une parfaite amitié ».
Ethique.
Pour Luther, la loi divine est le révélateur de l’imperfection des humains qui échouent fondamentalement à en respecter les prescriptions. Les Réformés Zwingli et Calvin sont moins pessimistes. Pour le Réformateur de Genève, la loi biblique invite à sanctifier son comportement pour qu’il profite aux autres et les mette en situation de connaître les vérités dernières. Pour les Réformés, la lutte contre les aliénations économiques, sociales et culturelles vise à garantir pour le plus grand nombre l’exercice de la liberté individuelle à l’égard de Dieu. L’instruction publique, l’accès de tous aux soins et à la protection renforcent l’autonomie du prochain. L’éthique protestante est à cet égard l’un des creusets des droits humains dont la finalité consiste également à protéger la liberté d’autrui.
Faim.
A plein régime, un imprimeur du XVIème siècle produit une page toutes les 20 secondes. Avec la Réforme, la pression sur les typographes augmente car les écrits de Luther ou Zwingli se vendent comme des petits pains. Mais les ouvriers crèvent de faim, surtout pendant le Carême où l’on n’ose pas manger de viande les 40 jours précédant Pâques. En 1523, les employés de l’imprimeur zurichois Froschauer bravent l’interdit et se jettent sur des saucisses, en présence de Zwingli qui ne dit mot. Scandale ! On convoque une dispute d’où il ressort que jeûner n’est pas biblique. Pour le Réformateur, tout ce qui n’est pas interdit par la Bible est permis !
Fatigue.
« Venez, vous tous qui êtes harassés, et je vous réconforterai ». Cet exergue reprenant un verset de Matthieu (11,28) figure en tête d’un grand nombre des textes de Zwingli.
Femmes.
Wibrandis Rosenblatt (1504–1564) épouse successivement quatre hommes différents dont les trois derniers ne sont rien moins que les célèbres Réformateurs Oecolampade, Capiton et Bucer. L’abandon du célibat des prêtres change la logique matrimoniale et place la femme dans un rôle plus actif à l’intérieur de la nouvelle Église. Les grands Réformateurs sont tous à louer l’aide apportée par leur épouse dans leur ministère. Même si la discrimination de genre ne s’éteint pas avec l’instauration du sacerdoce universel, le statut de la femme n’en progresse pas moins dans les Églises protestantes pour aboutir, au XXème siècle, à nombre de consécration de femmes pasteures dans les Églises. Engagées dans l’action sociale, la Fédération des femmes protestantes de Suisse avait agi de son côté depuis le début du XXème siècle pour inscrire l’égalité au cœur d’une pratique ecclésiale fidèle aux élans originaires du christianisme : « Il n'y a plus ni Juif, ni Grec ; il n'y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n'y a plus l'homme et la femme ; car tous, vous n'êtes qu'un en Jésus Christ », déclare l’Apôtre Paul.
Foi.
«La foi est une vision des choses qui ne se voient pas.» Calvin
Genève.
En 2020, seul 10% de sa population est réformée, alors que la Cité de Calvin est régulièrement nommée la Rome protestante par ses promoteurs. La Réforme y est déclarée en 1535 et l’arrivée de Calvin une année plus tard transformera le destin de cette ville à cheval entre la Suisse, la France et la communauté internationale. Accueillant le second siège de l’ONU après New York, Genève s’est développé grâce notamment à l’afflux des huguenots et, plus tard, en accueillant nombre de Confédérés qui y trouvent un climat plus décontracté qu’ailleurs. L’anti-calvinisme y est aussi ancien que Calvin, prétendent des historiens, certains assurant qu’il précède même sa naissance. En 2012, on y a fêté les 300 ans de Jean-Jacques Rousseau, l’un de ses autres illustres ressortissants avec le linguiste Ferdinand de Saussure ou le pédagogue Jean Piaget.
Huguenot.
Les réfugiés protestants fuyant la France suite aux guerres de religions des XVème et XVIème siècles ont permis le développement de l’horlogerie et de la banque en Suisse. Leur appellation vient de eidgenössisch, « confédéré ». En Allemagne, ils sont 50'000 à s’être installés dans le Brandebourg où ils y ont importés les oranges, les citrons, les choux fleurs, les petits pois et les artichauts.
Humanitaire.
En 1515 à Marignan, François 1er écrase une armée de 20'000 Suisses à la solde du pape Léon X, celui-là même qui excommuniera Luther en 1520. Zwingli est aumônier de ses compatriotes. Il luttera désormais toute sa vie contre le mercenariat. 344 ans plus tard, à quelques kilomètres de là, le très protestant Genevois Henry Dunant assiste à la terrible bataille de Solferino et fonde en réaction la Croix-Rouge pour secourir les blessés en temps de guerre, quelle que soit leur nationalité.
Iconoclasme
On se méfie de l’image chez les protestants parce que pour ces grands lecteurs de la Bible, l’influence de l’Ancien Testament et du décalogue reste vive : « Tu ne te feras pas d’idoles et tu ne te prosterneras pas devant ces Dieux », prescrit le deuxième commandement. Au début du XVIème siècle, les chrétiens vouent un culte intense aux images du Sauveur et des saints. Les Réformateurs y voient une superstition qu’il faut combattre en les détruisant afin de recréer le lien direct entre Dieu et l’être humain.
Justification.
Les protestants sont pessimistes : Aucune initiative humaine n’a de chance de trouver grâce auprès de Dieu. On réalise qu’on est justifié par Lui que si on accepte de ne jamais se justifier soi-même. C’est le credo fondamental de la Réforme repris de Paul et de saint Augustin. La seule pénitence autorisée revient à se mortifier d’avoir osé croire que sa pénitence servait à quelque chose. La foi n’est monnayable qui si elle abandonne toute prétention à être monnayable.