Après Babel
« Un mot en donne un autre : C’est la grande offrande. »
Elazar Benyoëtz (aphoriste et poète israélien)
« Allons, descendons, mettons la confusion dans leur langage, afin qu’ils ne comprennent plus la langue les uns des autres. » (Noé/Genèse 11,7). La construction de la tour de Babel n’est pas seulement une explication très imagée de la diversité des langues parmi les hommes. Elle illustre aussi le problème de l’appartenance et de l’exclusion par la langue. Par la suite, seuls les membres d’une même famille, d’un même clan ou d’une même tribu se comprennent encore entre eux. Ils se découvrent en tant que communauté, différente de toutes les communautés qui parlent d’autres langues. Une chose parfaitement inconnue fait son apparition dans le monde d’après Babel : le problème de la traduction. Les membres de différentes communautés qui veulent entrer en contact les uns avec les autres sur un mode pacifique doivent désormais apprendre des langues étrangères pour pouvoir se comprendre.
Avec la mondialisation, l’humanité en est revenue à Babel. Elle dispose certes du monde des technologies de connexion, mais les problèmes de compréhension persistent. Personne ne ressent les barrières culturelles et linguistiques aussi directement que les réfugiés. Ils ont été forcés de quitter l’espace linguistique et culturel qui leur était familier pour chercher une protection dans des pays de langue et de culture étrangères. Celui qui ne peut pas s’exprimer dans la langue nationale et qui ne la comprend pas n’est pas compris, ni entendu. Sa parole est sans poids. Celui qui ne peut pas se faire comprendre devient muet. Et les muets restent exclus de la communauté.
L’intérêt, l’attention, la participation et l’appartenance ne sont pas possibles sans communication. La langue crée la communauté : seul celui qui la comprend et qui la parle peut appartenir à cette communauté. C’est pourquoi l’Etat et la classe politique ont la responsabilité de faire en sorte que les réfugiés accueillis bénéficient d’un enseignement de qualité dans la langue de leur nouveau point d’attache. Les connaissances linguistiques rudimentaires, requises pour un séjour touristique par exemple, ne suffisent pas. L’intégration suppose d’une part une disponibilité à s’intégrer, d’autre part la mise à disposition de ressources permettant de le faire. Ceux qui exigent l’intégration doivent habiliter les personnes à s’intégrer. Le bon fonctionnement de la cohabitation dépend essentiellement de la capacité à s’entendre et à se faire entendre. Pour cela, il faut offrir aux réfugiés des cours de langues intensifs dispensés par des enseignants qualifiés. À l’occasion du Dimanche des réfugiés et du Chabbat des réfugiés, la Fédération suisse des communautés israélites et les trois Eglises nationales appellent la Confédération, les cantons et les communes à créer et à maintenir les ressources institutionnelles et organisationnelles nécessaires pour offrir aussi aux réfugiés une promotion linguistique durable.
Gottfried Locher
Président de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS)
Mgr Dr. Felix Gmür
Président de la Conférence des évêques suisses (CES)
Evêque Dr. Harald Rein
Eglise catholique-chrétienne de la Suisse
Dr. Herbert Winter
Président de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI)