Personne ne le veut et pourtant nous devons nous en préoccuper pour des raisons d’actualité : le triage – autrement dit la nécessité de trier les patientes et patients gravement malades parce que les capacités en soins intensifs ne suffisent pas pour tout le monde. Derrière ce qui s’apparente à une tragique pénurie médicale, se cache une grave question de politique sociale : comment distribuer équitablement les ressources limitées en soins intensifs pendant la crise du coronavirus ? La publication de l’EERS « Le malheur ne doit pas créer l’injustice » présente dans un premier temps le problème éthique posé par les décisions de triage. Puis, dans un second temps, elle esquisse une proposition sur la façon d’aborder équitablement la situation de pénurie en soins intensifs.
Ce qui rend le triage si tragique, c’est que des personnes gravement malades se voient refuser un traitement qu’elles auraient reçu dans des circonstances normales. La médecine formule des critères pour déterminer la nécessité des traitements. Mais les règles selon lesquelles les patientes et les patients sont choisis ou écartés ne sont pas médicales. La question éthique de la distribution équitable se retrouve ainsi au premier plan.
Le document de l’EERS plaide en faveur d’une solution solidaire et sociale. Il est dans l’intérêt de toutes et de tous d’éviter des situations tragiques pour les personnes concernées et des décisions lourdes à porter pour le personnel médical. Chacune et chacun devrait se demander si elle ou il souhaite un traitement en soins intensifs ou si elle ou il préfère y renoncer, et documenter sa décision. Cet acte de solidarité est toutefois lié à deux conditions essentielles : premièrement, la politique de la santé et la médecine doivent garantir que toute personne qui renonce à un traitement en soins intensifs aura accès de manière appropriée à des soins palliatifs. Deuxièmement, le devoir solidaire de la société dans son ensemble consiste à protéger ces personnes du risque d’infection. La solidarité du renoncement des uns appelle la solidarité – en termes de protection – des autres.